La rentrée est passée. Vous avez votre classe -enfin, je vous le souhaite- et vous avez découvert les petits caractères qui en font partie cette année. Des élèves parfois plus nombreux, bavards, agités et inattentifs qu’on le souhaiterait… Je vais lister -en vrac- dans cet article, les gestes dont on peut user pour obtenir une ambiance de classe apaisée, avec des élèves respectueux et travailleurs. Si vous avez d’autres pistes, n’hésitez pas à les partager en commentaire.
Le clip chart ou échelle du comportement
Ils sont nombreux sur la toile, il y en a même sur ce blog ici. Quels qu’ils soient, ces systèmes ne sont pas la panacée. Ils permettent cependant plusieurs choses : l’élève visualise les effets de son comportement. S’il fait une première bêtise, il passera du vert au orange, s’il recommence, il descend dans le rouge etc. L’enseignant « annonce la couleur » et l’élève sait à quoi s’attendre puisqu’en toute logique, la sanction est en fin de parcours en bas de tableau. C’est ni plus ni moins un système d’avertissement. Il est parfois rendu plus positif quand il enjoint l’élève à se reprendre plutôt que quand il se contente de marquer le comportement négatif. Certaines échelles proposent aussi une voie céleste : l’élève qui se fait remarquer dans le bon sens peut y grimper d’un étage.
Ce système, même s’il a des avantages, ne règlera pas la question de la discipline dans votre classe. En plus du fait de vous demander un regard constant sur les comportements des élèves, de monter ou descendre des étiquettes tout au long de la journée, il pourra se révéler totalement inefficaces sur les élèves perturbateurs, rompus à ces fonctionnement et blasés.
Se focaliser sur le travail
On entend souvent que si les règles de comportement ne sont pas acquises, on ne peut pas travailler. Je crois que l’inverse est encore plus vrai. Si l’on ne propose pas suffisamment de travail aux élèves, si on les laissent oisifs trop longtemps, c’est souvent là que les comportements dégénèrent. La plupart du temps, mettre la classe en activité, organiser les temps de flottement avec du travail autonome ou de la lecture libre améliore grandement la situation. Je crois qu’il ne faut jamais attendre de ses élèves qu’ils soient suffisamment calmes pour travailler. La concentration des élèves, quand elle est intense est un grand plaisir, on y prend vite goût. Bien sûr, pour prendre du plaisir, il faut pouvoir se concentrer sur une tâche qui ne soit ni trop facile, ni trop difficile. Et chacun a des capacités différentes, c’est là une des grandes difficultés de notre métier.
S’entretenir avec les élèves
S’adresser à un élève dont le comportement perturbe la classe devant ses camarades, à la volée, est très souvent contreproductif. Tout d’abord, l’élève en question est au centre de l’attention, selon le profil, il peut se sentir superpuissant dans ce rôle ou totalement humilié. Dans les deux cas, on obtient des effets contraires à ce que l’on souhaite. L’élève qui se sent valorisé en temps que fauteur de trouble n’a aucune raison de faire profil bas. L’élève humilié quant à lui peut concevoir un fort ressentiment à l’égard de l’enseignant tout en se sentant « bon à rien »… Cela n’améliorera pas les choses. Les autres élèves, spectateurs de la scène sont interrompus dans leur travail. Ils encaissent la négativité et parfois la violence de la réprimande. Ils ne sont pas mis en valeur dans leurs efforts pour travailler et assistent à la « gloire » de celui qui se comporte de façon inopportune…
Alors, comment faire ? Il me paraît beaucoup plus efficace de « sortir » l’élève perturbateur de la classe pour s’entretenir avec lui. Le « sortir » tout en ne le quittant jamais des yeux bien entendu. Parfois, il peut être nécessaire de différer l’entretien afin de l’aborder calmement et de le rendre possible (en mettant les autres élèves au travail par exemple). Seul face à vous, l’élève se sentira plus respecté : il ne sera pas sous le regard de ses camarades et vous vous adresserez à lui d’humain à humain. On peut lui demander de s’interroger sur son comportement, lui signifier de manière claire que son comportement est inadapté et pourquoi. On peut aussi passer un contrat avec lui ou faire le point avec un contrat déjà passé. Enfin et surtout, on peut se taire. Face à vous silencieux, l’élève se sentira la plupart du temps obligé de prendre la parole. De cette prise de parole non dirigée sortira peut-être quelque chose de très riche. Si l’élève commence par expliquer qu’il n’a rien fait et par rejeter la faute sur les autres, au bout d’un moment -d’écoute et de silence- il se mettra parfois spontanément à reconnaître ses torts.
Ne pas interrompre les moments de qualité
Nombreux sont les enseignants qui interrompent leur élèves sans se rendre compte de l’effet néfaste produit. Les élèves sont enfin au calme, tout à leur travail. Et tout à coup, on se rappelle que l’on a oublié de passer le message de la directrice sur les nouvelles règles de la cour de récréation… « Les enfants, j’ai oublié de vous dire…. ». Bizarrement il est ensuite difficile d’obtenir le calme qui précédait l’intervention. Forcément, les élèves ont été interrompus et de surcroît, on a évoqué avec eux la récréation… Ça y est, il y sont, dans leur tête… Il vaut mieux différer cette prise de parole et laisser les élèves à leur occupation.
De la même façon, quand un comportement gênant parasite votre séance (par exemple, un élève joue avec ses stylos pendant vos explications), inutile d’interrompre votre discours ou celui de l’élève qui parle. Un simple regard désapprobateur-complice peut suffire. S’il n’est suivi d’aucun effet, on peut alors se déplacer vers l’élève et -tout en parlant- lui retirer le matériel des mains.
Sanctionner et graduer les sanctions
Il faut parfois sanctionner les élèves. La grande question est comment rendre ces sanctions efficaces ? Je n’ai pas la réponse à cette question. Mais j’ai des pistes… Pour commencer, les sanctions doivent être rares. Si les punitions pleuvent dans la classe, les élèves comme leurs parents s’y habitueront et elles n’auront plus aucun effet. Elles doivent aussi être graduées. Les élèves doivent être au courant du contrat : telle action, telle sanction. Bien entendu, la sanction doit être proportionnelle à la gravité des faits. La sanction maximale chez moi est la convocation des parents (dans le cas ou plusieurs élèves sont impliqués et donc plusieurs familles, cela se passe dans le bureau de la directrice). Avant cela, je peux envoyer l’élève quelque temps dans une autre classe ou signaler aux parents le comportement de l’enfant dépasse mes bornes. Dans tous les cas, il est indispensable de s’entretenir avec l’élève, afin de lui marquer à la fois son respect et sa fermeté.
Alterner les modalités de travail et de comportement.
Les élèves ne sont pas des robots mais des enfants. Chacun avec sa personnalité, son background, son désirs. On ne peut pas demander à un enfant d’être silencieux et assis toute la journée. De même qu’on ne peut pas exiger son attention et son implication à toute heure. Pour cette raison, il faut alterner les temps
- les temps de réception et les temps de production
- les activités guidées et autonomes
- les temps de travail et les temps de pause (je ne parle pas des récréations mais des temps de pauses dans la classe)
- les temps « d’immobilité » et ceux de mouvement
- les temps de silence et de bruit
Si un enseignant exige de ses élèves qu’ils l’écoutent parler pendant 30 minutes, pas étonnant que celui-ci perde son public. Si les élèves ne sont pas actifs, si on ne leur permet pas de s’exprimer, ils prendront ce droit eux-mêmes, tout naturellement.
Effacer l’ardoise
En début d’année comme en début de journée, il est primordial d’effacer l’ardoise de la veille ou le « casier » que l’élève a dans l’école. Si l’élève souhaite s’amender et repartir du bon pied ? En le cataloguant comme « enfant pénible » on lui enlève cette opportunité. On le contraint à ce rôle. Et il l’exercera puisqu’il sait le faire. Il est plus risqué pour lui de faire des efforts. Il a besoin pour en trouver la force de se faire confiance et chaque matin, vous pouvez « en remettant les compteurs à zéro », lui montrer que c’est possible. Il en est de même pour les parents. C’est important de glisser aux parents, en début d’année, que leurs enfants n’arrivent pas dans votre classe avec une étiquette sur le nez. Eux aussi souvent, ont besoin de se sentir capables de corriger le tir.
Associer les élèves – former des équipes
J’ai testé cette façon de faire l’an dernier avec ma classe Harry Potter. Les élèves étaient répartis dans des équipes (en l’occurence les maisons de Poudlard), ils gagnaient ensuite des points en fonction de leur capacité à se comporter de façon adéquate. Les élèves apprennent ainsi à s’entraider, à se « coacher » les uns les autres. On peut donner des points par exemple à une équipe quand elle est prête à sortir en récréation, quand elle s’est installée dans le calme, quand les casiers sont bien ordonnées etc. Bien entendu, il faut être vigilant afin d’éviter une dérive possible : les équipes ne doivent pas s’attaquer entre elles. Au moindre dérapage (moquerie, frime, triche) il faut réagir et sanctionner l’équipe coupable. Mon bilan est très positif. J’utilise un système de ce type cette année avec pour thème la mythologie.
Valoriser les comportement positifs
Tout le monde y gagne ! Mettre en valeur les comportements positifs, c’est tendre vers une émulation positive. Le but recherché est double : valoriser les élèves qui se comportent de façon adéquate et donner envie aux autres d’accéder aux mêmes marques d’attention de votre part, aux mêmes « récompenses » s’il y en a. Et tout a instantanément plus de sens… Qui prend toute sa place dans la classe ? Qui doit être un modèle pour les autres ? Les élèves travailleurs et respectueux. C’est tellement plus juste que de les laisser naturellement dans l’ombre car ce qu’il font est moins bruyant et moins visible… On peut par exemple utiliser les billets de félicitation de Charivari, mais pas que.
Utiliser le « Class ? Yes ! » inspiré du Whole Brain Teaching
Les différentes modalités de travail utilisées en classe font que parfois, on en perd un peu le contrôle. Tout le monde travaille mais les discussions s’animent, et le volume sonore monte… À cela, je n’ai rien trouvé de plus efficace que la technique du « Classe ? Yes » utilisée par les amateurs de Whole Brain Teaching. Dès le début de l’année, je l’enseigne à mes élèves par le biais d’une mini-leçon (mini-leçon « class ? yes ! »). Par la suite, je l’utilise beaucoup en début d’année puis de moins en moins. Je vous la conseille fortement car c’est très efficace 😉 Pour en savoir plus sur le whole brain teaching, vous pouvez lire cet article de Alet sur son blog l’Univers de ma classe.
D’autres idées ?
Merci beaucoup pour toutes ces pistes et je rejoins complètement ta façon de voir les choses ! J’aime beaucoup ton idée d’équipe et j’ai très envie de mettre en place ce système dans ma classe !comment fais-tu cette année sur le thème de la mythologie ?
J’ai fait 6 équipes correspondant à des noms de planètes. Le rapport est lointain, mais il existe… Les élèves comprendront plus tard que Mercure est l’équivalent latin d’Hermès etc.
Merci pour ta réponse !
Il y a quelques années, j’ai eu une classe épouvantable que je n’arrivais pas à mettre en rang, ce qui compliquait tous les déplacements. J’ai utilisé quelques recettes ( trouvées sur des blogs, je ne sais plus qui les a inventées ) : ce qui a le mieux fonctionné, c’est d’établir un plan du rang et surtout de choisir à chaque fois un « marcheur secret » que j’observe et qui reçoit une étoile au retour s’il s’est bien comporté. Je continue avec le même fonctionnement, et c’est un bonheur d’arriver en classe avec des élèves calmes et pas de problèmes de bousculades à régler au lieu de se mettre au travail.
Oui j’ai vu ça quelque part ! Tu me le rappelles ! A tester…
Je partage ton point de vue sur bien des choses mais n’ai jamais testé le système des équipes. Tes équipes sont-elles fixes à l’année ? A quoi sert de gagner des points ? Y’a-t-il une concurrence entre les maisons comme dans Harry Potter ?
Bonjour Ayleen, il y a bien une concurrence entre les maisons (même si cette année, ce sont des planètes). Ils ne se font pas la guerre mais essaient d’être les plus rapides, les plus silencieux, les plus ordonnés… Ça marche vraiment très bien. Le mieux c’est qu’ils s’entraident et se coachent au sein des équipes. Je ne pense pas garder les mêmes équipes toute l’année. En CM1, classe Harry Potter l’an dernier j’ai dû changer en période 5 parce que certains ne se supportaient plus ! Cette année je changerai avant !
Et… J’ai oublié de préciser : les points servent à gagner une récompense. En fin de période, un cadeau pour toute l’équipe, sous les applaudissements des autres.
Je suis pleinement d’accord! Je me sentais un peu seule dans mon école à ne pas avoir d’usine à gaz pour gérer les comportements.
Bonjour Mélimélune, je t’ai récemment écrit pour avoir ton mot de passe pour accéder aux évaluations. As-tu reçu mon message ? Merci beaucoup pour ton généreux partage.
J’utilise le marcheur secret et c’est vrai que ça permet d’avoir un rang calme quand on sort de la classe. Quand au « class yes », ma collègue qui approche de la retraite a toujours utilisé ce système, qui fonctionne très bien. Je ne sais pas d’où elle tenait cette idée. Sa phrase magique n’est pas en anglais mais fonctionne pareillement: elle dit « ALLO ALLO » et les élèves répondent en choeur « j’écoute! ». …MAGIQUE, tout le monde regarde alors dans le bonne direction. ça marche même quand nous sommes en regroupement école entière.
Bonjour Mélimélune, en ce qui concerne les équipes… il sont combien par équipe?
Ce sont 6 équipes de 5 et l’an dernier c’était 4 équipes de 6 ou 7.
Bonjour Melimelune, j’aimerais tester ton système d’équipes au sein de ma classe pour associer les élèves mais je me demande comment tu fais pour valoriser leur comportement positif. Comme ce sont des équipes de 5 au moins, tu dois être hyper vigilante? Peux-tu m’éclairer un peu plus stp?
Je fonctionne comme les classes Harry Potter avec des points et des cadeaux en fin de période pour l’équipe ayant le plus de points.
Bonsoir Mélimélune, une petite réflexion sur ton article qui donne d’ailleurs à réfléchir… Je me retrouve dans les travers et écueils de la gestion des élèves que tu évoques, dans la classe que j’avais l’an dernier et qui n’était pas facile. Je connaissais les principes théoriques mais dur de ne pas parfois perdre son calme… J’aime beaucoup l’idée d’équipe, mais j’ai remarqué quand j’ai fait cela de manière informelle l’an dernier (rangées dans la classe pour sortir en récréation ou travaux de groupes) que certains enfants qui avaient beaucoup de mal à respecter les règles et à fonctionner en collectif pouvaient recevoir des réactions très dures des autres. Par exemple, si un groupe ne pouvait pas sortir parce qu’un élève n’était pas prêt alors que la règle était que tout le monde doive l’être, tous les autres savaient pertinemment pourquoi ils ne sortaient pas encore même si je ne faisais aucun commentaire sur l’élève en question. Je ne sais pas si je suis claire, mais je ne sais pas comment éviter que certains soient stigmatisés même en reprenant les élèves lorsqu’ils faisaient ce genre de remarques du style « à cause de toi, on est les derniers à sortir »… As-tu déjà vu ce type de cas ?
Oui, bien sûr. Ce qui est le plus « durement » sanctionné c’est justement cela : le mauvais esprit, les critiques en interne. Je les encourage ensuite à reformuler leur commentaire sous forme de conseil ou de message clair. Certains jubilent parfois d’être celui qui embête le monde et pénalise le groupe… Pour ceux-là d’autres « mesures » s’imposent : discuter, valoriser/responsabiliser, et parfois aussi isoler un moment.
Merci beaucoup pour ces pistes qui me donnent envie d’avoir une classe plus calme et sereine…..